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Ouf. Ce fut la première pensée qui vint à l’esprit de Jaden lorsqu’il vit son nouveau protégé se mettre à tousser et pivoter sur lui-même pour recracher l’eau de mer qui lui irriguait les poumons. Cela n’était probablement pas agréable pour ledit protégé, mais c’était un très bon signe. Cela signifiait que son corps était encore en mesure de réagir de lui-même pour expulser ce qui n’avait rien à faire là. L’Australien relâcha légèrement la pression dans ses épaules, en réalisant qu’il avait retenu son souffle pendant un temps indéterminé... comme s’il n’avait pu se permettre de respirer tant que le presque-noyé ne l’avait pas fait. Il prit alors une profonde inspiration pour garder son sang-froid.

Malheureusement, ce n’était pas la première fois qu’il était confronté à ce genre de situation... Même si, il fallait bien l’avouer, c’était la première fois que le rescapé avait cette allure. Comprendre : il n’avait pas vraiment l’allure de quelqu’un que l’on sauve. Au contraire, compte tenu du physique de l’énergumène, il devait plutôt avoir l’habitude de sauver que d’être sauvé. Bref. Jaden se pencha jusqu’à lui en posant un main compatissante sur son épaule et en fronçant les sourcils, étudiant l’expression de son visage et le tremblement dans son corps.

Bon. Il ne risquait plus la noyade, et ses poumons avaient expulsé seuls ce qui devait l’être. Ils n’auraient peut-être pas besoin d’appeler les secours. Prudent, Jaden jeta cependant un coup d’œil à ses propres affaires quelques pas plus loin, prêt à se jeter son téléphone si besoin était. Les premiers mots que l’inconnu prononça ne le satisfirent qu’à moitié. Good news : il était capable de s’exprimer. Bad news : il n’avait pas l’air en mesure de lui répondre quelque chose de concluant. Était-il en état de choc ? Ça n’aurait pas été surprenant.

Malgré lui, Jaden ne put s’empêcher d’esquisser un petit sourire lorsque son rescapé s’étonna de ne pas être mort. Le jeune homme haussa les épaules d’un air fataliste, en essuyant son front d’un revers de main. L’eau de mer qui gouttait sans discontinuer de ses mèches blondes lui piquait les yeux d’une manière particulièrement désagréable.

Nope, répliqua d’un ton laconique, comme s’il avait voulu rassurer l’inconnu par la simplicité de ce constat. T’es toujours en vie. J’ai une tête d’ange, je sais, ça peut troubler au départ. Mais t’es sur notre bonne vieille terre ferme, y a pas de doute.

Il lui tapota légèrement l’épaule, toujours attentif au moindre signe avant coureur... S’il lui restait encore un peu d’eau dans les poumons, cela pourrait s’avérer plus que dangereux. Il avait pourtant l’air de reprendre peu à peu ses esprits... puisqu’il en vint à se plaindre du froid. Oups. Évidemment. Choc thermique par-dessus le marché, où avait-il la tête ?

- Attends, lâcha simplement avant de se précipiter quelques pas plus loin jusqu’à ses affaires, pour saisir sa serviette de plage miraculeusement encore sèche et qui avait même eut tout le temps de chauffer au soleil pendant qu’il faisait ses acrobaties au large.

Il revint s’asseoir à côté du jeune homme en lui posant la serviette sur les épaules.

- Tiens. Ne reste pas immobile, il faut faire circuler le sang si tu ne veux pas entrer en hypothermie. Frotte-toi les épaules. C’est vrai qu’elle était particulièrement fraîche, aujourd’hui. C’est pas de chance...

Encore une fois, il cherchait davantage à dédramatiser ce qu’il venait de se produire et non pas simplement à faire de l’humour. Il se doutait bien que la température de l’eau n’était pas l’élément qui ennuyait le plus le presque-noyé, qui se remettait petit à petit de ses émotions.

Il s’en remettait d’ailleurs plutôt vite. Jaden ouvrit la bouche de surprise lorsque l’inconnu lui interdit formellement de lui demander ce qui avait bien pu lui arriver. Zut, ça allait pourtant être sa prochaine question. L’Australien se mordit la lèvre et se contenta de hocher sagement la tête en guise d’approbation.

- OK, juré, répondit-il platement en fronçant les sourcils. N’empêche que tu as eu une sacrée chance d’être tombé non loin de là où je m’entraînais. Je n’aurais pas pu te ramener dans cet état si je n’avais pas eu ma planche à portée de main.

Le jeune homme esquissa un petit signe du menton en direction de ladite planche, qu’il avait abandonnée un peu plus loin sur le sable pour s’occuper de l’inconnu.

- On peut dire que t’as quand même de la veine dans ta malchance , conclut-il en lui jetant un regard un coin. Tu sais comment tu t’appelles ? Tu sais où tu te trouves ?

Questions basiques, qui n’avaient été qu’un réflexe de plus pour vérifier que la victime avait bien récupérer toutes ses facultés de raisonnement. Il ne savait pas trop quoi penser de cet étrange personnage qui manquait de se noyer un instant, et l’instant d’après refusait d’expliquer pourquoi. C’était qui ? Un super-espion à la charge du gouvernement, qu’on avait tenté traîtreusement d’assassiner ? L’Australien secoua la tête. Il fallait qu’il modère son visionnage de vieux films. C’était quand même dommage qu’il n’ait pas le droit de poser la question. L’inconnu l’intriguait sincèrement. Il contourna donc le problème.

- Sans demander la raison de cet « incident », commença-t-il prudemment, il y a tout de même quelque chose qui m’intrigue... La mer était un peu agitée, c’est vrai, mais tu n’as pas eu l’air d’être en mesure de nager, je me trompe ?

Le regard de Jaden était sincèrement curieux. Il n’y avait ni jugement, ni moquerie dans ses yeux, mais un simple besoin de comprendre... et, si possible, de lui venir en aide.

Hm ? Jaden battit de paupières, comme si ce geste avait pu chasser définitivement la vision qu’il avait eue, et qui s’attachait encore à sa conscience à peine éveillée. Mais voulait-il vraiment s’en débarrasser ? Il n’en était pas sûr lui même. Les tentacules du rêve délicieux s’agrippait à son cerveau comme pour le replonger dans les méandres d’un sommeil où la réalité valait bien la fiction. Le jeune homme étouffa un bâillement d’une main distraite, puis entendit l’inquiétude dans la voix de Letizia. Cela lui suffit à se réveiller définitivement. Un peu comme un électrochoc. S’il allait bien ? Évidemment qu’il allait bien, quelle question ! Il était actuellement à Tahiti avec la femme de ses rêves. Tout allait pour le mieux.

La femme de ses rêves, qui, soit-dit-en-passant, commençait très sérieusement à prendre son humour pour modèle. Il ne savait pas s’il fallait s’en inquiéter ou s’en réjouir, mais il ne put empêcher une petite moue amusée en entendant Lip se « désoler » de ses futures grasses matinée perdues. Tsss. Savait-elle seulement ce que ces mots signifiaient ? Il en doutait fortement. Grasse matinée, dans l’esprit de Lip, voulait probablement dire se lever à 9h au plus tard. Et encore. Bon. Il n’était pas non plus du genre à rester au lit jusqu’à 15h, hyperactif et curieux comme il était, il n’était pas question de manquer une occasion de découvrir de nouvelles choses en restant au lit plus que de raison. Il aurait vite fait de s’ennuyer, qui plus est. Mais une fois de temps en temps, flemmarder avait son charme.

L’Australien arqua un sourcil perplexe et lui renvoya un regard suspicieux, qui voulait clairement dire quelque chose du genre : « J’espère que tu plaisantes... ».

- A quoi dis-tu adieu exactement, working girl ? demanda-t-il malicieusement en tendant une main pour effleurer de nouveau le bout de son nez. Il la trouvait particulièrement adorable lorsqu’elle fronçait le nez, sa sorcière bien-aimée, et ne manquait une occasion d’observer le spectacle. Sache, pour information, qu’une grasse matinée n’en est pas vraiment une quand on se lève en même temps que le soleil.

Et puis, elle posa une question à laquelle il ne s’attendait pas... pour la simple et bonne raison que son rêve commençait très sérieusement à rejoindre le pays des chimères à mesure que la réalité s’imposait à lui. Quelles tête blondes ? Jaden mit quelques secondes avant de comprendre le sens de la question... et quelques secondes de plus pour percevoir la demi-inquiétude qui voilait la voix de Letizia. Hin hin. Le jeune homme arbora une expression particulièrement machiavélique, et leva les yeux au ciel dans un geste de fausse innocence qui ne trompait personne.

Il fit semblant d’essayer de compter, fermant à demi les yeux et bougeant les lèvres, comme s’il était incapable d’y arriver en une seule fois tellement les fameuses têtes blondes étaient nombreuses.

- Oh, répondit-il d’un ton concentré, je ne sais plus trop... Je t’avouerai que je n’ai pas eu le temps de compter tellement il y en avait...

Il éclata de rire à la fin de sa propre phrase et déposa un baiser sur l’épaule nue de la jeune femme, comme pour se faire pardonner (ou comme si cela pouvait suffire...).

- Je plaisante, bien entendu, reprit-il aussitôt. Il ne voulait pas jouer plus que nécessaire avec les nerfs de Letizia, car l’inquiétude qu’il avait sentie dans sa voix avait un fond de vérité qu’il ne pouvait négliger. Promis, il n’y avait pas de quoi monter une équipe de foot, loin de là. A la limite, un groupe de rock. Et encore.

Jaden préféra ne pas s’attarder pour l’instant sur le sujet. Ils faisaient suffisamment les choses à l’envers, inutile d’en rajouter en entamant une discussion hasardeuse sur le nombre d’enfants qu’ils souhaitaient avoir... ou qu’ils se sentaient en mesure d’élever, plutôt. Avait-elle des doutes à ce sujet ? Il secoua la tête pour chasser ces interrogations. Il savait désormais qu’il allait falloir l’avoir un jour, cette conversation. Si le rêve délicieux s’effaçait trop vite à son goût, il en restait cependant une volonté de fer. Celle de fonder une famille.

A l’heure actuelle, ce n’était pourtant pas son problème principal. Son problème principal était beaucoup plus terre à terre : il avait faim. Et la mélodie fort harmonieuse qu’avait composée son estomac quelques secondes plus tôt semblait avoir provoqué l’hilarité de Letizia. Il fit semblant d’être vexé à ses réflexions, roulant sur lui-même pour atteindre le bord du lit.

- Dis-donc, c’est bien à toi de dire ça, répliqua-t-il en lui tirant la langue. Ça creuse, les galipettes, je te signale, c’est quand même pas ma faute.

Puis il prit un air songeur tandis que la jeune femme lui suggérait différentes éventualités pour remédier à sa crise de famine soudaine. Les options défilèrent dans l’esprit de Jaden et il fronça le nez « façon Letizia » lorsqu’elle vint le taquiner à son tour en concluant qu’il n’était pas question de passer des heures à la recherche d’un restaurant qui lui convienne. Il haussa les épaules d’un air coupable. Il est vrai qu’en temps normal, il était si curieux de goûter à la cuisine locale, qu’il lui fallait un certain temps avant de faire son choix... avec une certaine frustration cependant, puisque choisir revenait aussi à renoncer à certaines choses. Ce qu’il avait du mal à accepter. Bref. Pour l’heure, il se sentait capable d’avaler un sanglier entier. Il se redressa en position assise et réfléchit quelques instants.

Il n’avait pas vraiment envie de briser ce petit nid douillet dans lequel ils s’étaient retranchés... Mais faire appel au room service allait le frustrer encore davantage.

- Je serais bien sorti me dégourdir un peu les jambes (comme c’était surprenant de sa part...). Et puis, à cette heure-là, l’air est plus doux, et il paraît que les couchers du soleil sont renversants, de ce côté de la ville. J’ai repéré deux ou trois restaurants juste à l’angle de la rue, qui servent des spécialités locales. Promis... Je me déciderai vite.

Hrm. Il n’était pas sûr de croire lui-même à cette promesse, mais au moins, il allait essayer. Il se redressa complètement et balaya la pièce, les yeux plissés, à la recherche de ses vêtements, avant de se rappeler qu’il était entré seulement vêtu de son maillot de bain. Il se tourna et lui adressa un doux sourire, un peu coupable :

- Bien sûr, seulement si tu le veux bien... conclut-il. Sinon, je me ré affale immédiatement, tu n’auras pas besoin de me le dire deux fois.

Comme pour contredire ses propres paroles, il se laissa glisser hors du lit dans le plus simple appareil (il n’allait tout de même pas s’envelopper du drap et la laisser elle-même aussi nue que Rose Dawson sur le lit.... Encore que, ça ne l’aurait pas particulièrement dérangé). Bref. Pas pudique pour un sous, il se balada tranquillement dans la chambre et jusqu’à l’armoire, pour piocher au hasard des vêtements propres, passant devant la fenêtre ouverte avec un naturel déconcertant.

Quelques secondes plus tard, il enfilait un jean savamment troué aux genoux et un t-shirt blanc... puis sauta à moitié sur le lit pour rejoindre Letizia, la faisant rebondir au passage.

- Alors ? demanda-t-il simplement.